Il était alors un docteur de la Loi, savant dans son art, qui, bien des fois, avait posé à Jésus des questions insidieuses pour le prendre dans les discours,
Et quoique Jésus toujours échappât, cependant les Juifs estimaient le docteur pour son courage et pour son esprit.
Et ils lui avaient donné le surnom de Sage.
Cet homme se trouva gravement malade dans sa maison, et quelques-uns prièrent Jésus de se rendre auprès de lui, bien que ce fût son ennemi. Il s'y rendit, et ce jour-là était le jour du Sabbat. Dès qu'il vit le docteur, il lui demanda :
- Veux-tu être guéri de ton mal ?
Et comme le docteur assurait que oui, Jésus lui dit encore :
- Dis-moi seulement s'il m'est permis de te guérir le jour du Sabbat, ou non ; et suivant ce que tu m'auras répondu, je t'imposerai les mains, et Dieu prendra pitié de toi.
Cette question embarrassa le docteur, car elle l'obligeait à témoigner qu'il n'usait pas envers soi de la même mesure qu'envers autrui. Il ne voulut donc pas répondre tout de suite, et cherchait une issue,
Et bientôt il retrouva sa paix, car il se disait en lui-même : que Jésus me guérisse de mon mal, ou qu'il ne me guérisse pas, l'un et l'autre prouvent également qu'il n'est pas le Christ.Et s'asseyant sur son lit, il commença à dogmatiser malgré la faiblesse de son corps,
Expliquant à ceux qui étaient là comment, par telle et telle raison, Jésus ne vient pas de Dieu.Car les prophètes ont annoncé que le Messie naîtrait à Bethléem de Juda, tandis que celui-ci, on ne sait d'où il est,
Et certains le disent de Nazareth, d'où il ne vient rien de bon.
Et le Christ sera roi et Fils de Dieu, d'une génération inénarrable,
Au lieu que celui-ci, son père est charpentier ; et sa mère et ses frères et ses soeurs, ne les connaissons-nous pas ?
Et s'il était le Messie béni, il observerait toute la loi ; mais nous savons qu'il l'enfreint, et il ne respecte pas les traditions des docteurs.
Il nous enseignerait toute sainteté, au lieu qu'il professe l'impiété. Certains ne l'ont-ils pas entendu assurer qu'il détruirait le Temple ? et parmi ses disciples ne voyons-nous pas des hommes pécheurs ?
Il pratiquerait la pénitence. Mais Jean a paru dans le désert vêtu de poil de chameau et se nourrissant de sauterelles, et celui-ci vient après lui mangeant et buvant, il passe sa vie dans les festins et converse avec les pécheresses.
Il ferait des signes et des prodiges, selon les besoin de notre foi. - Plusieurs, il est vrai, disent qu'il en fait beaucoup, et que le Christ, quand il viendra, n'en fera pas plus. Mais nous lui avons demandé un signe dans le ciel, et il a refusé de le donner. Nous n'allons donc pas nous laisser séduire.
Personne ne fait le bien et n'en reçoit pas le profit. Mais nous voyons que beaucoup dans notre nation sont mécontents de lui, et les magistrats cherchent à lui interdire la parole de peur que ceux qui l'entendent ne croient en lui.
Aucun possesseur de vérité ne craint de se montrer. Car la vérité resplendit, et quiconque la voit, la reconnaît. Mais celui-ci n'ose monter à Jérusalem publiquement, et lorsque certains le proclamaient Christ, il les faisait taire.
Le Christ, quand il viendra, répandra les bienfaits sur toute chair. Au lieu que celui-ci se présente dans ma maison avec insolence, et il me pose des questions insidieuses au lieu de me guérir.- Ainsi discourait le docteur.
Et le Sage ne vit pas le salut. Il ne se tourna pas vers Jésus assis auprès de lui, plein de miséricorde.
Et qui attendait en silence la fin de ses discours, espérant toujours que cet homme mourant répondrait à la question posée,
Et par une confession humble se rendrait propre à recevoir la vertu de Dieu.
Il ne reconnut pas le signe de la divine bonté, il ne répondit pas aux délais de la divine patience.
Mais poursuivant sa parole et ses volubiles raisons le plus que sa respiration pouvait en porter,
Tandis qu'autour de lui ses amis se retenaient pour ne pas l'interrompre, en extase de l'entendre,Lui enfin, ce sophiste, au milieu du raisonnement,
Dans un dernier souffle exhala, rendit et restitua son âme théorisante.