Marie de Magdala était venue au festin, et depuis elle suivait Jésus avec amour.
Or il y avait dans la contrée un homme riche. Celui-ci cacha d'abord sa colère ; ensuite, songeant à Jésus, il se dit en lui-même : Je le tuerai .
Il envoya deux serviteurs dévoués pour attendre Jésus, le soir, sur la route, au carrefour.
Et lui-même, chez lui, ne prit pas de repos, pensant qu'ils viendraient lui rendre compte avant la fin de la nuit.
Il veilla ainsi jusqu'au jour et les serviteurs ne revenaient point.
Et le lendemain il les retrouva errants pleins de crainte, disant qu'ils avaient rencontré au lieu de Jésus, le fantôme de Marie au carrefour.Mais il ne les crut pas et il se dit : J'irai moi-même. - Car il était dévoré de désir.
Il s'arma donc d'une épée et se rendit seul au lieu où les serviteurs s'étaient postés le jour précédent,
Et, au bout de quelque temps, il reconnut la forme de Marie qui apparaissait au loin. Il l'attendit dans une rage de colère et dans le trouble.
Mais comme elle approchait, elle était un fantôme transparent comme les vapeurs de la nuit,
Et glissa près de lui sur la route, se dirigea vers une maison du bourg, où elle entra…Cet homme se lève frappé de stupeur et il suit, attiré, sans savoir ce qu'il ferait.
Il trouve une porte close, mais à l'intérieur brille une clarté et l'on entend des voix vivantes qui conversent.
A la fin il se décide et frappe avec un grand fracas et blasphémant.
Aussitôt le bruit se tait, on vient ouvrir : c'est Jésus lui-même, tandis que les apôtres sont debout au milieu, et, dans le fond un groupe de femmes, à terre sur la natte, priant.
Jésus lui dit : Mon fils, qui demandes-tu ?
Cet homme, hors de lui, tire l'épée et répond en menaçant :
Je sais qu'elle est ici, amenez Marie de Magdala.Tu l'as dit, répond Jésus, Marie est ici et elle viendra.
Et s'éloignant vers le fond, il cherche Marie, lui demande de se lever et d'aller où on l'appelle.
Marie va donc comme il lui a été commandé, et simplement se présente à celui qu'elle avait connu.
Mais cet homme considère, muet de surprise, la femme parée de la grâce de Jésus,Ce visage possédé de paix, ces yeux qui ont regardé Jésus, rassasiés de lumière,
Ces lèvres, depuis qu'elles ont baisé les pieds de Jésus, où maintenant veille la prière, gardienne du coeur,
Tout son maintien comme celui d'une servante du Verbe de vérité ; son allure, comme le bruissement de la charité diligente,
La pécheresse que le repentir a sacrée, dont la joie a été jetée au fond de la mer et que Jésus a refaite dans l'amour,
Il la considère et enfin répond : Ce n'est pas elle et vous m'avez trompé, car cette femme que je vois ici je ne l'ai jamais vue,
Mais celle qui, tout à l'heure, a passé devant moi au carrefour, celle-là est Marie de Magdala.Alors Jésus : Tu l'as dit toi-même en vérité, tu es trompé, et celle-ci n'est pas celle que tu connais.
Retourne donc au carrefour, ô amant d'ombres, ô poursuivant de fantômes,
Car ici il n'y a rien de ce que tu connais et nous sommes autres.
Cherche dehors, dans les ténèbres, un amour nocturne, car ici brille le jour de la charité sans déclin.
Jouis des images de ce qui n'est plus, car ici nous sommes présents, et ici se fonde le royaume à venir.Retourne chez toi, fils des morts, convoque dans ta maison la société des fantômes. Car ici nous sommes l'église des vivants.