Simon a jeté l'hameçon. Il a fait descendre l'appât, et tenté le poisson enseveli sous la mer.
Voyez glisser entre les eaux pâles le monstre sorti du fond obscur ; voyez briller l'argent du prince des eaux.
Droit vers la ligne de Simon, il navigue en majesté comme la galère aux mille rames ; autour de lui le fretin s'ébahit et garde ses distances.
Il approche de l'appât, tourne autour, s'éloigne et revient. Il ouvre sur l'appât son oeil stupide, comme celui qui, la nuit, promène contre la muraille un falot.
Il discerne les surfaces, et constate la boule offerte, bonne à manger ; mais il n'a pas faim.- Seigneur, aidez-nous ! Si le poisson ne veut pas manger, qui pourra le prendre ?
- Patience, Simon ! Dieu a fait le monstre vorace. L'appétit, s'il en manque, renaîtra dans son ventre avant peu de temps. - Vous autres ne faites pas de bruit !
- Tiens ferme, Simon, il mord ! Il ne sait pas l'aventure que tu lui prépares, la surprise de voyager au soleil comme l'alouette sur le lac. Simon, ton poignet est dur. Voilà le monstre qui se balance en convulsions ; le voilà à tes pieds au fond de la barque, cherchant la mer vainement sur une planche de bois.
Il ne retournera pas fendre les eaux d'un coup puissant de sa queue ; il est à nous, palpitant. Désormais hôte des airs, il voyagera vers le rivage qu'il n'a jamais vu.
Compagnons, voyez un peu et pesez de la main la prise de Simon le bon pêcheur. Croyez-vous qu'il soit dans tout le lac une plus belle pièce ?Simon a jeté le filet. Compagnons à la manoeuvre ! Que Dieu nous aide, le travail sera dur.
La nuit vient sur le lac, le vent a cessé et la voile retombe. Que l'Esprit de Dieu soit présent et qu'il féconde les eaux ! Que le Dieu Saint regarde et qu'il attire toute vie dans le filet de Simon bien tressé et réparé de sa main tout le jour.
Puisque Dieu a donné à l'homme pouvoir sur la vie qui nage dans les eaux et puissance à l'esprit de l'homme sur la chair sans raison,
Afin que l'homme fasse de sa vie un hommage constant au Père du monde,
Qu'il aide l'ouvrage du pêcheur, qu'il commande aux monstres cachés et emplisse le filet de Simon !
Seigneur de la nuit, gardez-nous de tout mal, et que votre parole se fasse entendre dans nos coeurs.
Et bénissez le travail de nos bras ; car notre sueur coule à l'heure où l'univers est dans le repos,
Où dans la maison la veilleuse s'épuise,
Où la mère écoute, pendant le sommeil, le souffle du nouveau-né.Voici que les filets sont disposés comme une prison dans la mer.
Afin que les bandes errantes au hasard de leur liberté aveugle, sans obéir à un maître prudent, (car ils n'ont pas de chef, mais leurs écailles se côtoient toutes dans le même sens),
Rencontrent enfin une loi bien tressée et une règle serrée dont ils ne puissent se départir,
Reconnaissant ainsi les limites de leur libre royaume, et que l'esprit est plus puissant que les caprices de la chai .
Soyez donc, Dieu créateur, le guide des vies qui s'agitent sous les eaux populeuses,
Amenez-les par bandes et par armées, et que leur course vagabonde se fixe à jamais dans le filet de Simon !(La nuit se passe dans le travail. Au petit jour, ils se rapprochent du rivage, retirant peu à peu le filet. Le poisson s'entasse dans les corbeilles).
ANDRE. - Voici que j'aperçois sur le rivage Jésus, le prophète de Capharnaüm .
( ils abordent )
JESUS. - Ta prière a été entendue. Tu retourneras à la pêche, fils de Jonas ; tu monteras sur une autre barque, tu jetteras d'autres filets, tu prendras d'autre poisson , ô Simon le pêcheur !
SIMON. - Maître, je ne refuse pas de travailler ; mais je ne sais de quelle pêche tu me parles ; je ne connais que cette barque et ces filets que je tiens de mon père.
JESUS. - Et moi, je te ferai monter sur la barque de mon Père, et je te donnerai les filets que je t'ai préparés, et tu iras sur la grande mer.
SIMON. - Maître , je le veux. Mais encore dis-moi où sont cette barque et ces filets, et comment je prendrai d'autre poisson.JESUS. - Suis-moi. Je te ferai pêcheur d'hommes.