Dieu est semblable à un roi qui chevauche vêtu d'une cuirasse d'airain. Autour de lui il a ses compagnons : - Amis, leur dit-il, allons, aujourd'hui je veux conquérir mon royaume.
Avec moi vous combattrez pendant la bataille, mais vainqueurs je vous investirai de dignités.
- Il va chevauchant avec ses guerriers fidèles. Lui marche en tête et les guide ; ils traversent une épaisse forêt.Au loin la terre a tremblé et les ennemis entendent une rumeur de tonnerre ; c'est le roi dont le cheval fait sonner du pied les cailloux du chemin.
Ils se disent : Ecoutez ce bruit ! - et ils ont peur -. Quoi ! le roi marchant sur eux porte-t-il entre ses mains le tonnerre ?
Ils se trompent, les ennemis ; le roi chevauche sans armes. Tourné à demi sur sa selle, il devise.
Et les compagnons, allègrement, lui répondent. Ils ont traversé la forêt sans y prendre garde, tant est courtoise la parole du roi.Ils sont sortis de la forêt . A l'orée, en face de la plaine.
Le soleil a donné sur eux, illuminant le heaume et la cuirasse du roi.
Et les ennemis sont aveuglés par l'éclat . Ils se disent : Le voici, ses yeux sont d'éclair et de flamme.
Dans une impétuosité de feu, il fond sur nous. Et comment soutenir seulement l'assaut de ce regard !
Ils parlent ainsi ; pourtant ils n'ont pas vu le visage du roi ; cet embrasement n'est que le reflet de son casque.
Mais le roi a soulevé sa visière, et regardant ses compagnons, il leur sourit.
Et eux, ils ont reconnu de près le bien-aimé, ces yeux souriants comme d'un père.
La lueur du regard les a remplis d'intelligence ; dans la douceur du visage ils ont goûté le repos.Ils sont arrivés aux confins ennemis ; une armée est levée contre eux, hérissée de lances et de piques.
Le chef ennemi sort et se présente, et il est le plus habile des archers.
- Hôte de l'impénétrable forêt, s'écrie-t-il, que viens-tu chercher dans notre plaine ?
Qui t'a constitué roi sur ce royaume ? Nous ne voulons pas que tu règnes sur nous.
En vain tu intimides mes soldats avec tes éclairs et ton tonnerre.
Mon bras leur rendra confiance ; il t'enseignera notre volonté.
- Il dit, et il a tendu son arc contre le roi à force. Mais le roi est puissant devant l'ennemi comme une tour.
Follement l'archer décoche une flèche imbécile ; le trait a sonné contre la cuirasse du roi, et le choc l'a déviée ; le trait tourbillonnant revient sur lui-même, contre celui qui l'avait lancé.
Le chef ne peut éviter son propre coup ! il étend les bras avec un cri, et il gît sanglant, le crâne percé, enseveli sous les hautes herbes.
- Un murmure s'élève de l'armée et ils reculent disant : nous avons combattu contre un rocher.Et une fois le terrain nettoyé, le roi s'est assis et il a enlevé son heaume intrépide,
Et délacé sa cuirasse. Son torse vivant se dégage et respire, et rayonne de chaleur.
Et il dit à ses guerriers dans un soupir : Venez tous, venez à la première place du royaume. - Ils viennent et il les embrasse coeur à coeur.
Mais tandis qu'il les retient, son coeur s'ouvre et se répand. Alors le roi gémit en grande peine.
- Mes amis, leur dit-il, oh, qu'avez-vous fait ! c'est vous qui m'avez blessé !Et tel est notre Dieu, vous tous sachez-le. Il nous a confortés contre sa poitrine d'homme. Le Dieu terrible et fort nous embrasse. Mais dans sa victoire il est sans défense, et il a été trouvé faible contre nous.