Jésus est sur sa croix, lié comme un rosier, et semblable à un buisson d'épines.
Et il me dit : Tu vois mes douleurs épanouies . Et toi, quand cesseras-tu de refuser de souffrir ?A ces mots la honte me saisit . Mais d'abord je me défendis de vive force.
- Laissez-moi, Seigneur, m'écriai-je. Que votre pointe ne me transperce pas !
Mes mains ! j'ai encore à agir et je dois travailler à plusieurs ouvrages .
Et mes pieds, laissez-les ! ils courront la voie ; car le temps profitable est court .Laissez mon coeur entier sans le percer ; qu'il respire en produisant la louange.
Que ma tête ne se prenne pas dans le buisson, et tout le jour je méditerai vos bienfaits.
Toutes mes pensées, tous mes désirs, comme des pousses près d'éclore,
Laissez-les fleurir, enfin ! à vos pieds, Jésus, je déposerai mon bouquet.Ainsi, contre Jésus lié dans les douleurs, je défendais mon bien-être.
Et je parlais, non pas moi, mais la vie qui ignore la croix de Jésus.
Je levai les yeux. Il était muet dans le sang et dans les larmes,
Et je le vis souriant d'une bouche amère, parce que je répondais comme les enfants.Ayant argumenté, je me tus cependant. J'attendis, la tête baissée.
La douleur de Jésus est venue de la croix et elle a végété sur moi.
Sur mes membres enlacés et sur mon coeur, à mes mains et à mes pieds et dans mon âme,
Voici que je ne connais plus qu'elle, la douleur chair de ma chair et os de mes os.Toute ma force, elle la prend, mes oeuvres, mes biens et même mes espérances.
Mes pensées, car une à une toutes m'échappent, et elles sont entrées dans ma douleur.
Je reste comme un homme sans amour. Jour et nuit la pointe me tient en défaillance,
Lié et serré contre le bois rigide, et mon âme est un frisson.Mes frères ont défilé devant moi ; ils ont dodeliné de la tête.
- Et celui-ci, ont-ils dit, quel est-il ? notre frère que nous connaissions ?
Il n'a ni parole ni pensée et il ne se tient pas debout comme un homme. Contre le poteau c'est une tige morte qui s'écroule de son tuteur.Allons, Pécheur, souviens-toi du passé et fais-nous part de tes oeuvres.
Que dis-tu de ton évangile et que penses-tu ? Parle, toi qui parlais si bien.
Si tu es le fils de l'homme, descends et viens. Nous nous promènerons en fantaisie.
- Et moi je demeurai stupide sous le fouet comme une brute. La douleur m'exténuait à ce point.Et je dis : Seigneur, voyez je ne suis rien.
Ne pouvoir vous parler même plus, ni vous aimer, tant cette affreuse douleur est vivante.
Où suis-je, le savez-vous ? - Moi qui désirais agir pour vous !
Ayez pitié, Jésus, et contentez-vous. Tout ce qui reste est à vous.Mais Jésus me dit : Enfant, ne désespère pas, car tu as produit la même fleur.
Ma sève a achevé le sauvageon ; l'épine a retenu ton âme dispersée.
Dans cette douleur enfin je te recueille et tout entier tu es à moi.
Voici que les anges sont autour, attirés. Ils ont senti le parfum suave.Et Jésus lui-même, je le vis m'embrasser comme un sceau sur lui et comme un bouquet.
A ses douleurs il me joignait comme une rose d'amour.